Le traitement croisé (Cross Process ou xprocess en anglais) est une technique utilisée en photo argentique et qui consiste à développer un film couleur dans une solution chimique inappropriée. Le but étant d’obtenir un rendu particulier des images, on y a recours essentiellement à des fins artistiques. Cet article répond à toutes les questions que vous pouvez vous poser sur le traitement croisé.
Sommaire
Le traitement croisé, comment ça marche ?
Il existe deux types de films couleur en photographie argentique. Les films négatifs et les films positifs. Les premiers sont largement plus répandus que les seconds, et plus connus du grand public.
Les films positifs étaient en effet essentiellement utilisés par les professionnels, qui louaient leurs superbes couleurs, pour leur richesse et leur fidélité remarquable. Les films positifs ne donnent pas une image inversée, contrairement aux négatifs, mais une image qui directement perceptible, avec ses “vraies” couleurs, sur la surface du film.
Les films positifs étaient utilisés notamment pour la projection, sous forme de diapositives, ce qui explique pourquoi on parle souvent de pellicules diapos pour parler de ce type de pellicules.
Après la prise de vue, films négatifs et films positifs nécessitent des traitements chimiques différents pour leur développement. Les films positifs sont conçus initialement pour être développés dans une solution E-6, et le développement des films négatifs doit normalement se faire à l’aide d’une solution C-41. Le traitement croisé (aussi appelé cross process, ou parfois x-process en anglais) intervient quand on développe du film positif à l’aide d’une chimie C-41, ou du film négatif dans une solution E-6. En d’autres termes, quand un film est développé dans une solution chimique théoriquement destinée à l’autre type de film.
Le combo film positif + chimie C-41 reste largement privilégié pour travailler en traitement croisé, car c’est celui qui donne les résultats les plus spectaculaires, avec des images fortement altérées. Couleurs inexactes et saturées, contraste fort et grain prononcé sont les caractéristiques les plus fréquentes obtenues en traitement croisé sur ces films.
Il est également possible d’opérer un traitement croisé dans l’autre sens, c’est à dire en développement une pellicule négative avec une chimie E-6 initialement prévue pour les films positifs, mais les effets obtenus sont par défaut moins prononcés.
De quoi avez vous besoin pour obtenir un traitement croisé ?
Obtenir des images cross-processed n’est pas bien sorcier, vous aurez en gros besoin de trois choses :
- Une pellicule positive
- Un appareil photo argentique fiable
- Un labo photo à qui confier votre pellicule pour le développement
Le film positif
Le traitement croisé nécessite un type de film particulier, les films diapo. Les références de pellicules positives sont nombreuses, mais toutefois largement moins courantes que les pellicules négatives. Aussi, pour vous en procurer, vous devrez la plupart du temps vous tourner vers les sites de vente en ligne, ou vers les magasins photos spécialisés, pourvus d’un rayon argentique relativement consistant.
Il est important de noter également que ces films sont plus chers que les films négatifs classiques. Leur prix avoisinent souvent les 10€ et montent même facilement quelque euros plus haut. Lomography propose peut être les packs les plus abordables avec des packs de trois pellicules pour un peu plus de 15€.
L’appareil photo argentique
Choisissez un appareil photo argentique fiable, que vous avez déjà utilisé précédemment et qui fonctionne correctement. Vous n’avez pas envie de gâcher une pellicule positive, relativement chère, avec un appareil photo argentique bancal ou que vous ne connaissez pas bien.
Le labo photo
Vous devez bien sûr identifier un labo photo à qui confier votre pellicule, une fois celle-ci terminée. Vous devez bien sûr vous assurer que le développement des films en traitement croisé figure bien dans la liste des services qu’il propose. Et n’oubliez surtout pas de préciser votre souhait lors de la commande.
De là, vous pouvez faire tirer des images, ou bien les numériser à l’aide d’un scanner.
Quelle est la meilleure pellicule pour le traitement croisé ?
Tout est affaire de goût personnel. Il existe de nombreux films positifs, et beaucoup de fabricants en produisent d’ailleurs plusieurs références. Tous ces films donnent des résultats différents. La saturation des couleurs, le contraste élevé, un grain assez marqué sont des points communs à tous ces films, des caractéristiques communes. Mais chacun a néanmoins ses spécificités, comme la dominante de couleur qui varie sensiblement d’un film à l’autre.
Comme souvent, la clef réside dans l’expérimentation pour trouver le film qui colle le mieux à ses goûts. D’autant que deux pellicules d’un même film peuvent donner des rendus complètement différents. Les conditions de lumière lors de la prise de vue, la durée de l’exposition, la façon dont le labo va développer le film ont toutes une incidence sur les images finales.
Dans le cadre d’un traitement croisé, la part d’incertitude, voir d’aléatoire, s’avère toujours importante.
Une approche assez courante consiste à choisir un film positif pour la dominante de couleur qui le caractérise en traitement croisé. Voici quelques films listés en fonction de leur rendu global.
Teintes froides
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Du bleu…
- Agfa Precisa CT100
- Kodak EliteChrome 100
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… au vert
- Fuji Sensia 200
- Fuji Provia 100F
- Fuji Provia 400F
Teintes chaudes
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Du rouge…
- Fuji Sensia 100
- Fuji T64
- … au jaune
Bon, avec tout ça vous ne savez toujours pas quel film choisir pour un traitement croisé ? Voici deux options intéressantes.
Le film Color Slide / X-Pro (200 iso) produit par Lomography est assez avantageux sur le plan du coût, puisque le pack de trois pellicules se situe un peu au dessus des 15€. Il vous permet donc de faire plus d’une centaine d’images (3×36 poses) en traitement croisé, le tout pour un budget relativement modeste.
Le film Agfa Precisa 100, développé en traitement croisé, offre un rendu caractéristique avec une dominante bleue assez sensible. Les ciels clairs virent au cyan, les ombres prennent une tonalité bleu sombre. Avec un prix inférieur à 10€, ce film n’est pas le plus coûteux. D’une sensibilité de 100 iso, il suppose toutefois que vous disposiez de suffisamment de lumière pour vos prises de vue. A privilégier en extérieur.
Scanner et retoucher des photos développées en traitement croisé
Lorsque l’on scanne des négatifs et qu’on les retouche, via Photoshop ou un autre logiciel d’édition, il n’est déjà pas évident de retrouver les bonnes couleurs, ou du moins les couleurs fidèles à celles qui ont été fixées sur pellicule. Avec des images développées en traitement croisé, ce problème se trouve largement amplifié, se complexifie davantage encore.
Dans la mesure où elles se trouvent par essence dénaturées, il devient particulièrement délicat d’interpréter les couleurs des images soumises à un traitement croisé. Sans guide, sans image “témoin” à laquelle se référer, difficile d’ajuster les curseurs. Demander les tirages de lecture au labo, bien que cela entraîne un coût supplémentaire, peut donner un sérieux coup de pouce.
Est il possible d’obtenir des effets équivalents à ceux d’un traitement croisé en retouche ?
Oui c’est tout à fait possible et le web regorge d’ailleurs de tutoriels incitant à jouer avec les courbes RVB pour obtenir le fameux look cross process (ou x-process) sur des images numériques. Quelques manipulations rapides suffisent généralement à faire le job et à obtenir un effet sympathique.
Mais seuls les retoucheurs les plus habiles, les plus fins, sauront duper un œil averti. Car entre le grain naturel du film, le contraste poussé et les couleurs particulières, même altérées, une photo argentique conserve un je-ne-sais-quoi dans son rendu qui lui donne du cachet et un aspect authentique.